Il était une fois…
Louise la fée et la sorcière Réalité.
Il était une fois, dans un joli château situé au fond d’une calme ria, un comte et une comtesse qui fêtaient la naissance de leur deuxième fils. Ils invitèrent pour le baptême leurs nombreux amis et leur large famille ; parmi elle était une bonne fée, qu’ils choisirent pour devenir la marraine de leur enfant. Cette fée, portant le doux prénom de Louise, était belle, riche, généreuse et aimante. Quelques années auparavant, elle avait choisi d’épouser un marquis, pauvre mais très gentil, qu’elle avait eu à coeur de rendre heureux.
Comme le beau salon du château n’était pas très grand, le comte et la comtesse s’abstinrent de convier la triste sorcière Réalité, parente éloignée de leur maison ainsi que de toutes les familles qui vivaient dans la contrée. Cette sorcière, du fond de son antre misérable, passait son temps à dessiner en noir le futur de tous les gens qui ne la regardaient pas en face. Or le comte et la comtesse ne l’aimaient pas du tout, évitaient de la croiser et lorsque cela arrivait, ils détournaient le regard vers quelque chose de joli : paysage rieur de la campagne, charmant ornement d’une maison en ville, puis trouvaient bien vite quelques gens heureux de vivre là pour discuter avec eux… et Réalité passait, fulminant contre ces belles gens, envers elle seule dédaigneuses.
Or, comme Réalité cheminait ce jour-là sur le chemin de halage, en contrebas du château, en quête de quelques tourments à faire aux distraits qui ne la salueraient pas, elle entendit les bruissements heureux qui s’échappaient des fenêtres ouvertes sur le vallon verdoyant en cette belle fin de journée d’été. Elle vit les calèches de tant de gens de sa parenté que, furieuse de n’avoir pas été invitée à une fête, elle entra sans se faire annoncer.
Le tableau touchant qui s’offrait à elle aurait pourtant pu l’adoucir : des enfants jouaient, les adultes se pressaient autour du berceau, promettant un bien beau destin au nourrisson. Certes il ne deviendrait pas, comme son grand frère, le nouveau comte du domaine, mais il avait déjà reçu l’assurance de parler plusieurs langues : le français, l’anglais – don de sa grand mère britannique – et le breton – don de la vieille Jeanne-Marie, la servante dévouée.
La sorcière franchit le seuil de la porte au moment où la fée Louise lui assurait talent et bonheur. C’était sans compter sur le coeur de pierre de la sorcière, nullement attendrie.
Elle cria, interrompant la fée :
– « Mais tu mourras pauvre et malade, loin de ta famille, et tes parents seront ruinés pour avoir ignoré Réalité… et tes frères mourront tous à la guerre ! » Satisfaite, elle tourna les talons dans un long et sinistre éclat de rire…
La bonne fée tenta de calmer tous les esprits, terminant ainsi :
– « Mais grâce à ton talent lumineux ton souvenir se perpétuera et restera attaché à celui de ta tendre marraine. »
Sans pouvoir toutefois défaire le sort jeté par la sorcière, qui était tout aussi puissante qu’elle.
Tout le monde oublia bien vite Réalité et ses sombres présages, le comte et la comtesse en premier, et la fête reprit son heureux cours.
Seule la bonne fée Louise s’inquiétait parfois, qui décida de bâtir une très grande maison au bord de la mer turquoise, pour tous les enfants victimes des tourments qu’infligeaient Réalité aux adultes. Les petites filles et les petits garçons qui venaient dans ce paradis retrouvaient sourire, bonne mine et santé…
Bonjour à toutes et tous,
Ce texte, rédigé à l’hiver 2016, alors que je balbutiais dans mes recherches, fut pour moi un outil mental pour planter le décor de l’enfance de Kerga. Je le relis ce soir et trouve qu’il vaut mieux que ce que je craignais lorsque je l’avais terminé et laissé au fond d’un dossier de mon vieil ordinateur portable (vénérable ancêtre Acer acquis en 2002… qui fait office de machine à écrire lorsque je suis à bord). Je doutais alors de la pertinence de ce conte autant que de sa tournure. Je suis convaincu aujourd’hui qu’il m’a aidé à construire le jeune Charlick et, même si je n’arrive toujours pas être juge de ses qualités et défauts, j’ai envie de lui donner sa liberté…
A très bientôt
Etienne