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La lettre

Le Calvaire de Plougonven

Le Calvaire de Plougonven, planche de l’album de l’Armor à l’Arré, exemplaire n°113. Gravure sur bois rehaussée d’encres.

Bord de l’Armorique, port du Bloscon à Roscoff, le 19 juillet 2018.

Bonjour à toutes et tous,

Me voici de retour à bord après trois semaines à terre bien chargées, assis au bureau de ma cabine. Le soleil entre par le hublot, des nuages inoffensifs se sont formés vers l’intérieur des terres.

Je n’arriverai pas à résumer ces trois semaines en une lettre tant elle furent emplies de concerts, d’expositions et de beau temps. Les seules gouttes de pluie de cette période ayant décidées de venir clairsemer l’assistance de la balade « à la recherche de la villa Kernot ». Cette promenade, mardi dernier, ayant été malgré cela un succès, comme je l’écrivais dans le compte-rendu envoyé au correspondant du journal local, cela a permis de faire surgir trois nouveaux travaux de Kerga ! Deux papiers à entête d’entreprises roscovites d’avant-guerrre, suite à la parution dans le journal de l’annonce de la balade, et une gouache montrée sur son appareil photo par l’un des participant à la fin de la promenade.

C’est amusant de voir ses propres mots publiés dans la presse… Plus ou moins remaniés toutefois. Vous pourrez lire les trois versions à la fin de ce courrier si cela vous tente.

C’est sous le soleil, au début du petit festival, que je suis allé à bicyclette jusqu’à Plufur pour écouter le concert du duo Coloquintes dans la toujours aussi grandiose chapelle de Saint Nicolas, déroutante de majesté au fond de son vallon désert et boisé, puis après pique-nique solitaire et belles routes de campagne ombragées par Plouégat-Guerrand (où c’était la saison des cerises, dont je me suis raisonnablement gavées) et Lanmeur, je me suis rendu à Primel pour l’Ode Maritime de Fernando Pessoa, déclamée en musique par Valentin Boraud, accompagné d’Olivier Leinen et Camille Rancière. Cette Ode Maritime, peut-être devrais-je être honteux de ne l’avoir pas déjà lue, tant elle est puissamment évocatrice de la vie des marins de tous temps ; mais je suis heureux de l’avoir découvert ainsi, sublimement dite dans le cadre grandiose du gouffre de Primel, la brise marine s’étant elle même apaisée.

Vraiment, ce texte devrait être au programme des écoles de marine marchande !

Le dernier jour du festival, à la fin d’une belle moisson de concerts, c’est en voiture que je me suis arrêté juste avant le dernier de cette édition, donné en l’église de Plourin-lès-Morlaix : Le déluge universel, très bel oratorio redécouvert récemment de Falvetti, compositeur italien du 17e. Un petit crochet donc, à Plougonven, à l’invitation d’Anne-Laure Darmigny, épouse d’un ancien chef mécanicien de la Brittany-Ferries, tous deux bons amis. Elle expose pour la première fois ses oeuvres lors d’une exposition de peintres, résidant dans cette commune, dans la chapelle de l’enclos paroissial. Je prends le temps d’apprécier son beau et intéressant travail (sa toile intitulée « migrants » me captive particulièrement…), puis je profite de l’occasion pour me renseigner un peu sur le calvaire, sur lequel je souhaite rédiger un article (eh oui, je ne peux jamais m’empêcher totalement de décrocher de mon sujet favori… Vous aurez deviné… Kerga toujours !)

Au moment où j’écris ces lignes, sur France musique, passe un extrait du déluge universel…  de Falvetti, cela ne s’invente pas !

Kerga a représenté le calvaire de Plougonven dans l’album De l’Armor à l’Arré, bel ouvrage de luxe paru en 1927.Voici ce qu’en dit Fanch Gourvil :

Le Calvaire de Plougonven, bien qu’à mon avis la plus parfaite réalisation d’un genre architectural qui devait connaître en ce pays une brillante fortune, est le moins connu et le moins visité des grands calvaires de Bretagne. Les Bretons sont, en effet, dans la généralité des cas, ceux que les beautés de leur patrie laissent le plus indifférents, et rares sont ceux qui éprouvent le besoin de se déplacer pour admirer un monument ou un paysage, fussent-ils à leur portée immédiate ; par ailleurs, les touristes eux-mêmes éprouvent une insurmontable indifférence envers les curiosités situées en dehors des itinéraires convenus. Aussi Plougonven se trouvant, par malheur, à une dizaine de kilomètres en retrait de la grand route de Paris à Brest, il reçoit à peine la vingtième partie des visiteurs de Saint-Thégonnec et Guimilliau.

Le Calvaire de Plougonven, planche tirée à part de l’album de l’Armor à l’Arré, gravure sur bois rehaussée d’encre de chine, shg KGA.

Dressé au milieu du cimetière, face au porche de l’église, le calvaire porte sur son socle prismatique, taillées dans le Kersanton, les principales scènes du drame évangélique et l’image de Saint Yves, patron de la paroisse. Au dessus se détachent dans un équilibre classique, les croix des larrons, la croix principale avec ses croisillons supportant les cavaliers, les Saintes Femmes, et le Christ dominant douloureusement l’ensemble.

La date de 1554 donnée par une inscription en lettres gothiques atteste que Plougonven, loin d’être l’aboutissement d’un long effort collectif ou le perfectionnement de types antérieurs, est une création individuelle et pour ainsi dire spontanée. Si l’on excepte le mystérieux calvaire de Tronoën auquel il est presque impossible d’assigner une date à siècle près, et celui de Lanrivain, érigé en 1548, on observera que Plougonven l’emporte en ancienneté sur la plupart de ses grands congénères (Guimilliau 1581, Plougastel 1602, Pleyben, 1650, etc..). Son auteur inconnu a d’autant plus droit à notre admiration qu’il ne pouvait s’inspirer de nul précédent.

Mais ce que ne dit pas Gourvil, c’est que le calvaire a subi deux campagnes de restauration, la première en 1897-1898. Une croix de bois dominait l’ensemble depuis la disparition de la croix centrale à la révolution. Un brillant sculpteur de Plougonven, Yann Larhantec, fut chargé du chantier et créa trois croix nouvelles. Il sculpta également une nouvelle tête pour le diable, plus expressive que l’originale – autre temps, autres moeurs… je ne crois pas que serait tolérée aujourd’hui une telle action sur un monument âgé de 350 ans ! Mais les héritiers de Viollet le Duc n’étaient pas encore formés aux techniques de conservation et de restauration modernes.

S’il peut paraître étrange que Fanch Gourvil ne mentionne pas cette restauration – je me demande d’ailleurs réellement pourquoi : je ne peux pas croire que cela soit par ignorance, cette modification ayant été faite de son vivant (Notre érudit est né en 1889), de surcroît la date de 1898 est parfaitement visible sur la croix principale. Est-ce par peur de décourager les rares audacieux, qui étaient prêt à s’aventurer jusqu’aux contreforts des Monts d’Arrée, par la mention d’une restauration qui aurait risqué de paraître trop contemporaine à leur goût ?

Par contre, il est tout à fait normal qu’il n’évoque pas la campagne de restauration suivante… qui a eu lieu entre 1998 et 2009 ! Cette dernière a vu la reprise générale de la structure maçonnée, mais aussi la remise en « ordre » des scènes représentées, ce qui n’est pas non plus la moindre des décisions ! Le premier niveau raconte la vie de Jésus, le second la passion. Les scènes n’étaient pas organisées dans l’ordre chronologique, elles le sont désormais.

tous droits réservés

L’une des particularités de ce calvaire que m’a signalé la jeune guide présente, qui garde en même temps l’exposition : c’est le seul en Bretagne ou Balthazar est représenté avec une physionomie « africaine ».

De mon côté je me suis amusé de remarquer que le plus grand personnage du premier étage est : Saint Yves ! Qui se tient bien droit entre le riche et le pauvre.

Le sculpteur l’a représenté plus grand que le Christ même… Tout honneur du au Saint patron de cette paroisse et seul Saint Breton reconnu par l’Eglise de Rome, qui plus est !

(note du 28 juillet : ce matin, en relisant cette lettre avant envoi, je tâche de vérifier par l’iconographie ce que j’ai appris sur les restaurations du calvaire, pour m’assurer que je ne vous raconte pas trop de sottises et je découvre en comparant une carte postale (vers 1910) et une photographie des années 1990, que les statues ont encore bougé entre 1898 et 1998 ! Ce qui a du être un argument de poids lors de la remise en ordre lors de la dernière restauration… Je découvre également sur la toile cet extrait, dont l’auteur n’est malheureusement pas cité : « J’ai vu pour la première fois le calvaire de Plougonven en 1896, peu avant sa restauration par Yan Larhantec. Il montrait encore de trop nombreuses traces du vandalisme révolutionnaire, et ses statues presque noires, que des plaques de lichens argentés, mordorés ou fauves couvraient de bizarres lèpres, se détachaient en vigueur sur le granit grisâtre des murailles de l’église. Dans les plis des vêtements de quelques unes, on remarquait des traces de peinture et de dorure, attestant qu’autrefois tout le monument était ainsi étoffé. » Et moi de me rendre compte qu’écrire l’histoire de ce calvaire ne tiendrai pas dans le cadre d’une lettre !)

A très bientôt

Etienne

PS : Le petit jeu des sept erreurs… et je m’aperçois en recopiant que les correspondants ont également corrigé de belles coquilles de mon texte d’origine ! Merci à eux.

Version envoyée aux correspondants :

Ils ont retrouvé la Villa Kernot !

Une quarantaine d’amateurs d’art et de balades ont sillonné les venelles entre le bourg et le port de Carantec, bravant quelques gouttes de pluie mais portés par les musiques d’Olivier Depoix. La petite troupe, guidé par Etienne de Kergariou, a finalement découvert la maison où ont grandi le peintre Kerga (Charles de Kergariou 1899-1956) mais également ses frères Xavier (tombé au champ d’honneur en septembre 1918) et Gabriel (mort en déportation en 1944 pour acte de résistance). Cette promenade musicale a permis de se figurer Carantec au moment où elle devient une station balnéaire au tournant des 19ème et 20ème siècles.

« L’un des but de ces évènements est de faire ressurgir des peintures de Kerga », nous explique le coordinateur de l’association. C’est chose faite car l’un des spectateur a signalé à la fin de la représentation qu’il possédait une petite gouache du « peintre de la Baie de Morlaix ».

Version du Télégramme :

Balade musicale. Ils ont retrouvé la Villa Kernot

La promenade sur les pas de Kerga a séduit ! Une quarantaine d’amateurs d’art et de balades a sillonné mardi 17 juillet, en fin de matinée les venelles entre le bourg et le port de Carantec, bravant quelques gouttes de pluie mais portés par les musiques d’Olivier Depoix. La petite troupe, guidée par Etienne de Kergariou, a finalement découvert la maison où ont grandi le peintre Kerga (Charles de Kergariou 1899-1956) mais également ses frères Xavier, tombé au champ d’honneur en septembre 1918, et Gabriel, mort en déportation en 1944 pour acte de résistance. Cette promenade musicale a permis de se figurer Carantec au moment où elle devient une station balnéaire au tournant des XIXet XXsiècles.

« L’un des but de ces évènements est de faire ressurgir des peintures de Kerga », expliquait Etienne de Kergariou au terme de la visite. C’est chose faite car l’un des spectateur a signalé à la fin de la représentation qu’il possédait une petite gouache du peintre de la Baie de Morlaix.

Version du Ouest France :

Ils ont retrouvé la Villa Kernot

Une quarantaine d’amateurs d’art et de balades ont sillonné les venelles, entre le bourg et le port de Carantec, portés par les musiques d’Olivier Depoix.

La petite troupe, guidée par Etienne de Kergariou, a finalement découvert la maison où ont grandi le peintre Kerga (Charles de Kergariou 1899-1956) mais également ses frères Xavier (tombé au champ d’honneur en septembre 1918) et Gabriel (mort en déportation en 1944 pour acte de résistance). Cette promenade musicale a permis de se figurer Carantec au moment où elle devient une station balnéaire au tournant des XIXet XXsiècles.

« L’un des but de ces évènements est de faire ressurgir des peintures de Kerga », explique le coordinateur de l’association. C’est chose faite car l’un des spectateur a signalé, à la fin de la représentation, qu’il possédait une petite gouache du peintre de la Baie de Morlaix.